Une illustration dans le cadre de la prescription médicale Depuis de nombreuses années, le docteur Wolf traitait un patient asthmatique chronique en proie à des crises quasi permanentes. Wolf demanda à un laboratoire pharmaceutique de lui fournir un nouveau médicament, qui avait la réputation d'être particulièrement efficace contre cette affection. Il le reçut et le fit prendre à son patient qui s'en trouva fort bien. Suspectant une amélioration d'ordre psychologique, il commanda au laboratoire un placebo de ce médicament, donné a l'insu de son patient, qui rechuta aussitôt. Wolf répéta l'expérience plusieurs fois : chaque fois que son patient prenait le médicament, son état s'améliorait, et rechutait à chaque nouvelle prise de placebo. Wolf apprit plus tard par le laboratoire que depuis le début son patient n'avait reçu que des placebos ! Cet exemple illustre le rôle primordial que joue le médecin dans toute prescription médicale, et notamment dans le cadre de l’effet Placebo. Le médecin et son environnement
Il existe un parallélisme entre la conviction du prescripteur concernant l’efficacité du médicament qu’il administre et l’effet qu’il observe.
Outre la façon dont cet enthousiasme et cette attente d’efficacité sont communiqués au patient, l’opinion du médecin peut également influencer cette mesure, car il est le principal juge de l’effet.
Par exemple, deux études menées avec une méthodologie identique ont comparé l’efficacité d’un anti-angineux. Dans les deux études, la méthode est celle du simple aveugle, au cours de laquelle le malade ignore le produit qu’il reçoit, seul le médecin étant informé. Dans la première publication, le médecin est sceptique et obtient 37 % de réponses positives. Dans la seconde, le prescripteur est, au contraire, enthousiaste et obtient 79 % de bons résultats.
Bien souvent, c’est inconsciemment que le médecin, par son attitude, son discours, influence le résultat. Il en est de même du personnel soignant, de la famille, surtout lorsque celle-ci participe aux soins.
Le médecin communicatif, amical, consciencieux, rassurant, calme, induit plus régulièrement un effet placebo qu’un autre médecin pressé, négligent, brutal ou plus occupé par ses propres problèmes que par la santé de son patient. La relation médecin – malade Le rôle traditionnel du médecin dans la société combine plusieurs fonctions symboliques essentielles : guérisseur, prêtre, savant. Les progrès de la thérapeutique, joints à l’influence croissante des médias ont ancré dans une large fraction de l’opinion publique l’idée d’une médecine scientifique toute puissante, accréditant la tendance spontanée du malade à voir dans les médecins autant des confesseurs compréhensifs que des thérapeutes. Le concept de transfert freudien doit être élargi au-delà de la psychanalyse à toute relation médecin - malade. Il stipule que les sentiments ressentis par un patient (affection, haine, confiance, défiance) et inconsciemment attachés à des personnages du passé (parents ou substituts) sont déplacés dans le présent vers le médecin. Habituellement, ce transfert est positif, calqué sur les expériences satisfaisantes vécues dans le passé avec les parents. Beaucoup de patients ont espoir dans le médecin, dont ils attendent des bienfaits : ils réagissent souvent positivement à un Placebo. En revanche, une attitude suspicieuse ou craintive engendrera des effets secondaires désagréables pour le patient : c’est ce que l’on nomme effet Nocebo. Un problème éthique La prescription de Placebos pose de nos jours plusieurs problèmes éthiques.
En effet, le Placebo est par essence une tromperie. Le médecin qui prescrit une substance dépourvue d’éléments actifs en ventant ses mérites ment ! En médecine généraliste, l'utilisation d'un placebo n'est admise que si l'affection en cause est parfaitement bénigne. Nous avons pu voir, dans notre expérience comparant Placebo et vitamines quelle était la réaction des testeurs de placebos quand ils apprenaient qu’ils avaient pris des gélules d’amidon… Tous se sentaient trahis, presque blessés par cette « mauvaise blague ».
Cette tromperie peut cependant se justifier dans le cadre des recherches cliniques qui permettent d’homologuer les nouveaux médicaments. On compare alors l’efficacité de ces nouvelles substances à des placebos à travers des études en double aveugle. Ni le médecin, ni le patient ne se doutent du caractère actif ou pas du médicament reçu. Il devient néanmoins de plus en plus difficile compte tenu des contraintes de la Loi Huriet de réaliser des essais cliniques comparant nouvelles substances et placebos.
Enfin, l’utilisation de Placebo ne doit pas avoir lieu s’il existe des risques pour le patient. Donner un Placebo à des malades dépressifs et potentiellement suicidaires et peu envisageable. La prescription d’un Placebo signifie dans certains cas la privation d’un traitement potentiellement bénéfique. Est-il éthique de comparer à des placebos l’efficacité de nouveaux traitements du SIDA, d’antidépresseurs, d'anti-hypertenseurs ou d’anti-ulcéreux, alors qu’il existe des traitements efficaces pour ces maux ? Et lorsque aucun traitement ne permet de lutter contre une maladie mortelle, est-il éthique de comparer l’efficacité d’un nouveau traitement à celle d'un placebo ?
Si l’attitude du médecin influe grandement sur le phénomène Placebo, il a également la responsabilité des questions éthiques que soulève cette forme de prescription médicamenteuse.
Vers : Le médicament Placebo, objet du mécanisme...
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